Le confinement fait basculer la Chambre de commerce de Genève dans la blockchain

par Fabrice Delaye, Heidi.news
https://www.heidi.news/sciences/le-confinement-fait-basculer-la-chambre-de-commerce-de-geneve-dans-la-blockchain

https://youtu.be/LOQNe4Q9cyQ

La CCIG a tenu son assemblée générale en streaming avec des votes sécurisés sur la blockchain. De gauche à droite, Olivier Dunant, trésorier, Laurence de la Serna, nouvelle présidente, Vincent Subilia, directeur général, Gille Rufenacht, président sortant./CCIG
On peut avoir 155 ans, être confinée et se passionner pour l’innovation numérique. C’est le cas de la Chambre de commerce, d’industrie et de services de Genève (CCIG) dont l’assemblée générale annuelle s’est tenue, hier, en streaming vidéo pour cause de distanciation sociale. Surtout, l’élection de sa nouvelle présidente Laurence de la Serna et les votes sur divers objets comme l’approbation des comptes ou la création d’un barème de cotisations moins chères pour les start-up ont été garantis sur une blockchain.

Pourquoi c’est intéressant. Les mesures liées à l’épidémie ont fait prendre conscience des avantages (et des inconvénients) du télétravail mais aussi d’autres applications des technologies numériques. Parce qu’elle permet de sécuriser à très bas coûts une élection tout en créant une forme de transparence et de traçabilité, les technologies de chaines de blocs s’appliquent bien à des objets nécessitant une forme de garantie para légale. C’est une piste pour le vote électronique lors des élections démocratiques.

Le projet. La CCIG compte environ 2500 membres. Statutairement, son assemblée générale doit se tenir au cours du premier semestre. En moyenne, elle rassemble environ 800 personnes. Avec l’interdiction de rassemblement de plus de 5 personnes, impossible de la tenir cette année à Palexpo comme d’habitude. Elle s’est donc réduite à une réunion où le président sortant, Gille Rufenacht, la nouvelle présidente, Laurence de la Serna, ainsi que le directeur général, Vincent Subilia et le trésorier, Olivier Dunant ont été filmé en streaming par la société Skynight. Les membres ayant cependant à voter sur une dizaine d’objets, ils ont pu le faire à distance avec une solution développée sur la blockchain par Cryptolex. Chaque participant ayant reçu un jeton numérique lui ouvrant un droit de vote. Selon Vincent Subilia:

«Nous avons troquer la convivialité contre l’innovation. Et cela nous amène à réfléchir au format de la centaine d’événements que nous organisons chaque année.»

Pourquoi la blockchain. La blockchain est une base de données qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création.

Cette base de données est sécurisée et distribuée: elle est partagée par ses différents utilisateurs, sans intermédiaire, ce qui permet à chacun de vérifier la validité de la chaîne.

Les transactions effectuées entre utilisateurs sont regroupées par blocs. Chaque bloc est validé par les nœuds du réseau selon des techniques qui dépendent du type de blockchain. Dans la blockchain du bitcoin, cette technique est appelée preuve de travail. Elle consiste en la résolution de problèmes algorithmiques.

Une fois le bloc validé, il est horodaté et ajouté à la chaîne de blocs. La transaction est alors visible pour l’ensemble du réseau.

Il existe trois catégories d’application de la blockchain:

Les transferts d’actifs: monnaies, actions, obligations mais aussi bulletins de vote.

Les registres : la blockchain sert là à assurer la traçabilité de produits (au travers des transferts de certificats de propriété, de suivi des procédures de production…)

Les smart contracts: il s’agit de petits programmes autonomes qui exécutent automatiquement les conditions d’un contrat validé sur une blockchain.

Pour accéder à une blockchain, l’utilisateur doit disposer d’un jeton (token). Fondamentalement, c’est un droit d’usage d’un produit ou d’un service sur la blockchain comme un moyen de paiement, un droit d’auteur, un titre de propriété ou un droit de vote. Le bitcoin ou l’Ethereum sont des jetons monétaires mais on peut aussi générer aussi ces droits au travers d’un QR Code. Ces différents éléments sont à l’origine des avantages de la technologie blockchain:

La transparence: tous les utilisateurs participent et ont accès aux registres horizontalement.

La sécurité: les informations ne sont pas stockées sur un serveur central où elles risquent d’être attaquées ou corrompues, sauf à déployer des solutions de cybersécurité généralement couteuses.

La traçabilité: la blockchain est comme un livre de compte. Elle conserve l’historique consultable de tout ce qui y est enregistré.

L’histoire. Avocat à Genève, Vicken Bayramian a identifié le potentiel de la blockchain dès l’apparition du Bitcoin. Il se rend compte que cette technologie sous-jacente à la crypto-monnaie peut s’appliquer à autres choses que des transactions monétaires. Avec son équipe, il développe Ntity une suite de logiciels qui permettent de s’interfacer facilement avec diverses blockchains existantes pour garantir la propriété, l’authenticité et la traçabilité de toutes sortes de documents: lettres de crédit dans le négoce de matières premières, montres et ses composants dans le cadre du projet Masterblock, vins de garde et votes.

Cryptolex l’entreprise qu’il a cofondée en 2017 pour commercialiser les services de Ntity voit beaucoup de potentiel dans la sécurisation des votes électroniques. Elle vient de sécuriser les votes de l’assemblée générale en ligne d’un poids lourds de l’économie suisse avec des dizaines de milliers d’actionnaires aux quatre coins du monde. Elle a plusieurs projets avec d’autres institutions genevoises et vaudoises. Elle espère que sa solution puisse servir pour le vote électronique dans le cadre d’élections citoyennes. Selon Vicken Bayramian:

«La blockchain a un grand potentiel pour les votations municipales, cantonales voire fédérales.»